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“Un tremplin pour passer de la théorie à l’exercice et à la pratique”

Séance d’atelier. Grenoble 2018

Sami, doctorant en géographie à l’Université de Sfax, a participé à plusieurs éditions des ateliers à Grenoble et à Sfax :

« Personnellement, j’ai réellement apprécié l’expérience que j’ai vécue lors des ateliers de coopération internationale en urbanisme organisé à Sfax et à Grenoble, par le master 2 UCI de l’IUGA et leurs collègues du département de géographie de l’Université de Sfax. J’ai eu la chance de rejoindre et de travailler avec plusieurs équipes d’étudiants de Grenoble qui ont été capables de me tirer vers le haut et de renforcer mes compétences. Les ateliers organisés dans les deux villes ont représenté pour nous une bonne occasion pour croiser deux champs disciplinaires particulièrement féconds et complémentaires : celui de la géographie et de l’urbanisme. Les études de terrain menées lors de ces ateliers ont représenté aussi une bonne occasion pour valoriser mon bagage théorique en matière d’aménagement urbain et de le mettre en pratique.

J’ai également découvert à travers ces ateliers le monde des futurs urbanistes, secteur que je ne connaissais pas auparavant. J’ai appris de ces ateliers de faire de gros efforts sur le terrain dans un temps relativement court (une semaine) et fournir un travail de qualité. Outre la mise en situation professionnelle, les ateliers nous ont permis d’acquérir de nouvelles qualités dans l’aménagement urbain associant l’innovation et l’imagination. Ces ateliers m’ont permis aussi de reconnaître l’importance du travail en groupe pluridisciplinaire et sa contribution dans la production d’un travail de qualité.

Sur le plan scientifique, les travaux et réflexions des étudiants menés sur l’agglomération sfaxienne et grenobloise ont abouti à des échanges féconds et des diagnostics riches sur les deux terrains d’étude. Les investigations lancées durant ces ateliers ont permis aussi de révéler les principaux problèmes et maux urbains qui touchent directement au quotidien des habitants (transport, accessibilité, pollution). Les scénarios d’aménagement, qui ont été proposés dans les rapports et comptes rendus produits à la fin des ateliers, constitueront une base de travail pour les acteurs et aménageurs de la ville.

Outre les étudiants des deux universités (Grenoble et Sfax), les ateliers d’urbanisme ont réuni les acteurs de la ville et de la société civile dans les deux villes pour préparer concrètement une stratégie partagée sur l’avenir des deux agglomérations en matière d’urbanisme et d’aménagement urbain en général. La démarche participative adoptée dans les travaux des ateliers d’urbanisme est dictée par les défis communs imposés aux deux villes. Ainsi, les ateliers constituent une base de travail pour resserrer les liens, renforcer la solidarité et converger les besoins autour du développement durable dans un contexte commun de métropolisation.

En somme, les ateliers d’urbanisme ont réussi à mettre en lien et associer des étudiants de formations différentes mais partageant des réflexions et des idées sur les thématiques l’urbain dans deux milieux différents (Grenoble et Sfax). La participation à plusieurs ateliers d’urbanisme a été en tous points bénéfiques pour moi. J’ai beaucoup appris de cette expérience. Ces stages intensifs représentent un excellent tremplin pour passer de la théorie à l’exercice et à la pratique. Par ailleurs, ce stage m’a permis de comprendre l’importance de placer la recherche urbaine en général sous l’angle d’une approche pluridisciplinaire. J’ai appris surtout d’aller plus loin dans les diagnostics et l’analyse du fait urbain pour enfin proposer les solutions convenables. Cette expérience m’a permis de remédier aux carences de ma formation de géographe qui manque certainement de la pratique et d’affiner mes réflexions de recherche. Les ateliers d’urbanisme m’ont menées sur d’autres pistes de recherche en urbain dans une logique pluridisciplinaire. C’est pour tout cela que je souhaiterai que l’expérience des ateliers d’urbanisme se poursuive pour s’attaquer et explorer de nouvelles thématiques de la ville et contribuer à la formation de jeunes urbanistes et géographes qui pourront être les futurs acteurs de nos villes ».

“Je me suis attachée à cette ville et à ses habitants”

Porte de la Médina. Sfax 2018
Crédit photo : David Rochas

Agnès, participante grenobloise de l’édition 2016 à Sfax, raconte :

« J’ai eu la chance, et je pèse mes mots, de faire partie de la promotion 2016-2017 du Master Urbanisme et Coopération Internationale (UCI) de Grenoble. Au cours de notre deuxième année de Master, ma promotion et moi-même, avons organisé avec nos professeurs un atelier international à Sfax, en Tunisie. Cet atelier de dix jours avait pour vocation de nous faire travailler sur des problématiques urbaines dans un autre contexte culturel, social, économique et politique que celui que nous connaissions en France. Mon groupe de travail a étudié la problématique de la place de l’agriculture urbaine à Sfax. Cet atelier était en partie financé par la coopération décentralisée Grenoble-Sfax.

A la suite de cet atelier, la Ville de Grenoble m’a proposé un service civique de six mois sur la thématique « Agriculture urbaine et gestion des déchets organiques ». J’ai rencontré de nombreux acteurs, organisé des rencontres, des ateliers de recyclage, mis en réseau des petits agriculteurs et surtout, je me suis attachée à cette ville et à ses habitants. Je suis ensuite retournée en France soutenir mon mémoire et j’ai commencé à rechercher un emploi. Cependant après cinq mois de recherche et d’indécision, j’ai finalement choisi de retourner en Tunisie et de cofonder une association locale. Je travaille aujourd’hui en tant que coordinatrice de projets chez Graine d’Espoir, association sfaxienne dont je suis la cofondatrice.

Le Master UCI m’a permis de développer de nombreuses compétences telles que la gestion de projet, l’analyse d’un territoire et des jeux d’acteurs, de savoir mobiliser ces acteurs, d’animer des réunions et de gérer une équipe ».

“Encore aujourd’hui, il raisonne en moi”

Médina de Sfax
Crédit photo : David Rochas

Lætitia, étudiante UHCI en 2015, raconte :

« Le master UHCI et surtout les nombreux ateliers que m’a offert cette formation m’ont beaucoup enrichi. Mais celui de Sfax ne fût en rien comparable aux autres, encore aujourd’hui il raisonne en moi. Il aura été un enrichissement aussi personnel que professionnel. Humainement, j’ai rencontré de belles personnes mais aussi appris de leurs expériences de vie.

Aussi, maintenant que je suis dans la vie active et que j’ai du recul, je peux dire que ce voyage a changé ma manière de concevoir un espace public, la manière dont on appréhende et vit la ville. De plus, ma manière de gérer un projet s’est transformé, tout comme manager une équipe pluridisciplinaire, d’avoir un vocabulaire adapté et une compréhension du projet par tous.

L’accueil des Sfaxiens envers nous a été touchant et leur dynamisme reflète aussi leur volonté de changer les choses, de faire autrement – mais mieux. La confiance qu’ils nous ont accordé, en se plaçant d’égal à égal, bien que nous ne soyons que des étudiants a été moteur pour nous. De plus, nous intégrer dans un réseau existant a généré des dynamiques fortes. J’en retire aussi un engagement de la société civile très fort qui manque dans de nombreux pays.

En outre, j’ai acquis une connaissance sur une autre manière de concevoir la ville, un urbanisme en devenir là-bas, puisqu’étant une science peu exercée, pratiquée. De même, on n’appréhende pas la ville de la même façon, à l’exemple de l’espace public, qui est peu présent, avec peu d’espaces dédiés aux piétons. Bien évidemment les évènements de Paris* en font aussi un voyage singulier, avec de nombreuses résonances.

L’émotion vive des attaques de Paris a laissé la place à notre volonté de changement, dans l’action, et à une solidarité entre nous. Aussi, je me souviens comme si c’était hier, de la profonde tendresse et des visages remplis de larmes des Tunisiens quand ils parlaient de la France. Cette tendresse et cette compassion m’ont alors moi-même questionnée sur notre propre rôle et notre rapport avec les autres pays ou tout simplement du devoir de mémoire que nous nous devions d’avoir.

En effet, ce second atelier international pour moi, a aiguisé ma curiosité à cerner, puisqu’on ne peut maîtriser, la complexité de la géopolitique actuelle. Je ne dis pas que j’en étais éloignée mais il est vrai qu’on peut très vite être déconnecté de la réalité quotidienne des autres pays.

Ce sont des ateliers comme celui-ci qui nous aident à nous reconnecter à la réalité. Ainsi, pour conclure, ce voyage a renforcé mon souhait d’apprendre de l’autre. Cet autre qui est culture, qui est à la fois différence et richesse, qui me permet de faire et voir autrement. Au travers de ces lunettes, sa réalité, sa culture, son territoire, mais filtrées par notre sensibilité, nos analyses et nos compétences.

J’ai compris la valeur que l’on a nous, urbaniste et ancien étudiant UHCI, avec notre esprit critique et d’analyse, notre capacité à s’adapter à tous les contextes et situations en cernant le jeu d’acteur, tout en ne négligeant pas la culture et le contexte dans lequel s’inscrit le pays ».

*Nous étions à Sfax lors des attentats de novembre 2015. Nous avons pris la décision collectivement avec les étudiants et nos collègues sfaxiens de rester dans la ville comme si de rien n’était.